DEPRESSION/ENNUI

Les clichés sur la dépression : mythes et réalites.

La dépression, tout le monde pense savoir de quoi il s’agit. Mais laissez moi vous dire : si vous ne l’avez pas vécu, ce que vous imaginez est probablement loin de la réalité.

Les préjugés qui entourent cette maladie sont aussi tenaces qu’un chewing-gum collé à une chaussure. On les traîne partout avec nous, sans vraiment se poser de questions. Parce que oui, parler de dépression, ça reste tabou.

Il y a tellement d’idées reçues qui circulent sur cette maladie. Parfois, elles contiennent un fond de vérité. Souvent, elles font plus de mal que de bien. Elles tentent surtout d’apporter des réponses simples, voire simplistes, à une réalité complexe.

Aujourd’hui, on va les passer au crible et dégommer quelques clichés.

La dépression, c’est pour les faibles. Idée reçue n°1

faiblesse/dépression

Ah, ce bon vieux mythe de la « force » et de la « faiblesse« . Si j’avais reçu un euro chaque fois que je l’ai entendu, je serais probablement en train d’écrire cet article depuis ma somptueuse villa aux Caraïbes.

Quel individu en dépression n’a pas entendu au moins une fois : « Secoue-toi », « Prends sur toi », « Fais un effort ».

Mon préféré : « Met toi un bon coup de pied aux fesses ». Encore faudrait-il que cette énorme fatigue permette de lever le pied aussi haut. Sans compter que pour de nombreuses personnes, c’est justement une accumulation de coups de pied qui les a conduits à la dépression.

Toutes ces petites phrases, même proférées avec la meilleure intention du monde, ne sont d’aucun soutien. Au contraire, elles ne font que renforcer le sentiment d’impuissance et la culpabilité. Cette culpabilité écrasante qui fait partie du tableau dépressif.

La réalité ? La dépression n’a rien à voir avec un manque de volonté. Qui aurait l’idée de dire à un diabétique « allez, guéris » ou à un paraplégique « allez, marche ».

La dépression est un méli-mélo complexe, aux origines multifactorielles : traumatismes, histoire familiale, déséquilibres chimiques etc.  Elle ne choisit pas ses victimes en fonction de leur résistance.

Les exemples de personnes connues qui ont vécu la dépression ne manquent pas. J’en ai dressé une petite liste dans mon article dépression chronique et vie professionnelle.  Ce n’est pas à leur « faiblesse » ou « manque de volonté » qu’Abraham Lincoln, Winston Churchill ou Martin Luther King, doivent leur destin exceptionnel. En tout cas, ce n’est pas ce qu’a retenu l’Histoire.

La dépression, c' est pas une vraie maladie. Idée reçue n°2

Ce que sous-entend cette croyance, c’est qu’il suffit de le décider pour aller mieux.

La dépression ne se soigne pas comme un petit rhume. Avec une bonne dose de « volonté » et quelques comprimés. Pas plus qu’elle ne se contrôle par la force mentale. Sinon, il suffirait de se lever un matin et de décider d’aller mieux.

La réalité ? La dépression touche autant le corps que l’esprit et elle affecte le corps entier. Les symptômes physiques sont bien réels :

  • fatigue chronique;
  • douleurs musculaires, articulaires, neuropathiques ;
  • troubles gastro-intestinaux ;
  • troubles du sommeil;
  • maux de tête ;
  • troubles alimentaires ;
  • vertiges ;
  • problèmes de concentration et de mémorisation.

Et la liste n’est pas exhaustive.

De vrais petits veinards ces dépressifs ! Imaginez un peu : pendant que certains galèrent à choisir entre un bon mal de dos ou une crise existentielle, eux, ils cumulent les deux. Qui d’autre peut se vanter de se lever avec le poids de l’univers sur les épaules et une bonne sciatique pour couronner le tout.

Souffrir de dépression, c’est la double peine. C’est la seule maladie dont on se sent honteux (avec peut-être les maladies vénériennes). Et c’est sans doute la seule que tout un chacun se permet de juger. En bref, quand on est dépressif, on n’attire pas franchement la compassion. Un léger agacement dans le meilleur des cas. Une franche hostilité dans le pire des cas.

Si bien que des personnes au cœur de la tourmente, peuvent penser ou dire : « je préfèrerais avoir un cancer ». Ce qu’il faut comprendre, c’est que le cancer déclenche, avec raison, la compassion et la mobilisation générale.

On est victime d’un cancer alors que l’on est coupable de dépression. Ce que l’on mesure moins, c’est que la dépression aussi engage le pronostic vital. Le risque suicidaire est multiplié par 30 et 10 à 20 % des personnes en dépression meurent par suicide.

La dépression, c’est juste de la tristesse. Idée reçue n°3

dépression/émotions

Mettons les choses au clair tout de suite : la dépression, ce n’est pas seulement une question de tristesse. Si c’était aussi simple, un spectacle de Blanche Gardin suffirait à régler l’affaire. Pourtant, beaucoup pensent que la dépression, c’est simplement se sentir morose. Désolée de casser l’ambiance, mais c’est bien plus complexe.

La réalité ?  Il est question de perte de plaisir, d’énergie en chute libre, de troubles du sommeil et de l’appétit. Et tout un tas d’autres désagréments physiques évoqués ci-dessus. Avec une bonne dose d’anxiété pour pimenter le tout. Bref, c’est un cocktail bien plus amer que ce que les clichés laissent entendre.

La dépression, surtout chronique, c’est un peu comme si votre cerveau décidait d’éteindre toutes les lumières, même celles qui fonctionnaient encore. Différentes zones sont touchées, notamment celles qui gèrent les émotions, la motivation et le plaisir.

On pense à tort que la personne en dépression n’a qu’un mode émotionnel par défaut : la tristesse. En fait, c’est toute la palette des émotions qu’elle utilise, négatives et positives. Elle peut être amoureuse, se mettre en colère ou piquer un bon fou rire.

La dépression est multiple. Il en existe presque autant que d’individus. Parmi les nombreuses formes, les 2 suivantes illustrent bien sa complexité.

La dépression souriante

Tout est dans le nom. Les professionnels parlent plus volontiers de dépression atypique.

Les symptômes sont si bien dissimulés derrière le masque du bonheur, qu’elle en devient imperceptible pour l’entourage.

La dépression à haut niveau de fonctionnement

On a beaucoup parlé de ce « type » de dépression sur les réseaux sociaux, après le suicide en 2022 de l’ex-miss USA, Cheslie Kryst. Au prix de gros efforts, les personnes atteintes parviennent à maintenir une apparence de normalité. Elles se distinguent souvent par leurs excellentes performances, surtout professionnelles.

La dépression, Il suffit de penser positif. Idée reçue n°4

pensée positive/dépression

Ah, la fameuse pensée positive ! Comme si afficher des post-it de citations motivantes partout sur son frigo allait chasser le démon. Spoiler alert : ça ne marche pas vraiment comme ça.

La dépression, sans vous demander votre avis, vous bascule sur le mode nuit. Vous ne percevez plus les couleurs éclatantes, seulement les nuances de gris. Ce n’est pas du pessimisme, juste une distorsion de la vision.

Vous pouvez toujours dire à votre cerveau « regarde le bel arc-en-ciel ». Il vous répondra « bien tenté, mais je ne vois qu’une nuit sans étoiles ».

Soyons honnêtes, lorsque l’on est au fond du trou, ce n’est pas le meilleur moment pour pratiquer la méthode Coué. C’est comme essayer d’arrêter une tempête avec une ombrelle. Un pansement sur une jambe de bois, tout au plus.

 Cependant, Il est tout à fait possible de travailler sur ses perceptions pour les transformer. C’est d’ailleurs l’une des choses que j’espère transmettre à travers ce blog.  Mais nous sommes dans un marathon, pas dans un sprint.

Autrement dit, les résultats ne sont pas immédiats. Ils sont parfois si subtils que l’on pourrait passer à côté. Ce n’est qu’au fil du temps, avec de la pratique, que ces petits changements libèrent toute leur puissance.

Si tu vois tout en gris, déplace l’éléphant. (proverbe indien).

La dépression c’est un problème de riche. Idée reçue n°5

Le sous-entendu : les personnes qui ont de « vrais » problèmes à gérer, n’ont pas le temps de faire une dépression.

« Tu as tout pour être heureux/se ». Cette petite phrase en apparence anodine est comme une poupée russe. Elle recèle à l’intérieur un tas de déclinaisons. :

  • tes enfants sont en bonne santé ;
  • tu as une famille aimante ;
  • tu as un job en or ;
  • ton mari est une crème ;
  • ta maison est magnifique.

Autrement dit, tu n’as aucune raison de te plaindre. À force de l’entendre, tu finis par te sentir responsable de ton état. Comme si tu avais besoin de cette couche de culpabilité supplémentaire.

Nombre de personnes en dépression chronique sont victimes de cette logique de motifs valables.

J’ai vu pendant des années, un « soignant » que je trouvais brillant, humain, intelligent. Il a longtemps été un vrai soutien. Jusqu’au jour où il m’a dit, agacé « pensez aux femmes afghanes, pour elles oui, la vie est difficile ».

En somme, comme la moitié de ma famille n’a pas été décimée par les Talibans, ma souffrance est illégitime, voire indécente.

La dépression ne se nourrit pas uniquement de malheurs visibles. C’est là toute sa complexité.

Vous pouvez avoir un boulot stable, des amis sympas, une famille aimante, et pourtant, ressentir un insupportable chaos intérieur. Vous pouvez aussi avoir un sourire accroché aux lèvres, participer aux diners de famille et être submergé par une infinie tristesse.

Ces idées reçues ne sont pas forcément le fruit de mauvaises intentions. Souvent, elles naissent d’une véritable ignorance de ce trouble complexe. Mais souvent aussi, elles reflètent une peur instinctive, celle de l’effondrement.

Ce sont des mécanismes de défense inconscients. Elles permettent à ceux qui les expriment de garder une distance émotionnelle et de se rassurer : « Ça ne m’arrivera pas, je suis plus fort. »

Il est plus facile d’enfermer la personne dépressive dans des stéréotypes simplistes, plutôt que d’admettre sa propre vulnérabilité.

Il est temps de déconstruire ces préjugés. Et ça commence par une meilleure compréhension de ce qu’est la dépression. En s’informant, en partageant, et en écoutant ceux qui vivent avec cette maladie.

Si vous pensez que cet article peut aider, n’hésitez pas à le partager. Vous pouvez aussi laisser un commentaire que je lirai avec plaisir.

3 réflexions sur “Dépression : les 5 idées reçues qui stigmatisent”

  1. Je dois admettre ne pas connaître cette maladie et tant mieux dans un sens. C’est une vraie plaie il me semble, comme toutes les maladies mentales. Courage à ceux qui doivent vivre avec et j’espère bien qu’on peut sortir la tête de l’eau.

  2. J’ai toujours dit que si on n’a jamais connu la dépression, on ne peut absolument pas savoir ce que c’est. On peut l’imaginer, c’est tout. Ca prend le corps et la tête et ça ravage tout. Et ces idées reçues sont effectivement très agaçantes… Mais je trouve que c’est quand même un peu mieux connu et reconnu aujourd’hui… 🙂

  3. Merci pour cet article, qui permet de déconstruire les idées reçues sur ce sujet. Une bonne façon de mieux décrypter et comprendre ce que l’on peut identifier chez soi ou dans son entourage.

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